Cinéma - débat : A TOUCH OF SIN
Article mis en ligne le 31 octobre 2013

par Universite Populaire Toulouse

AVANT-PREMIÈRE mardi 3 décembre à 20h15 à UTOPIA Toulouse, organisée avec l’Université Populaire de Toulouse : projection suivie d’une rencontre avec Martine Bulard, rédactrice en chef adjointe du Monde Diplomatique, spécialiste de l’Asie (pour cette soirée, achetez vos places à partir du 20 novembre, le film sortira le 11 décembre).

A TOUCH OF SIN

Écrit et réalisé par Jia ZANG-KHE - Chine 2013 2h10mn VOSTF - avec Jiang Wu, Wang Baoqiang, Zhao Tao, Luo Lanshan, Zhang Jiayi, Li Meng... Festival de Cannes 2013, Prix du Scénario.

Du 03/12/13 au 03/12/13 à Toulouse

Il y a des limites à la violence que l’homme est capable d’endurer. Au-delà de celles-ci, selon les contextes, il s’unit avec ses semblables pour faire une révolution, ou passe à l’acte tout seul. Dans la Chine contemporaine, dont Jia Zhang-Ke ne cesse de chroniquer l’évolution depuis son premier film, Xiao Wu, artisan pickpocket (1997), la révolution a déjà eu lieu. Avec A touch of sin, référence à A touch of zen, chef-d’œuvre du cinéma de sabre signé King Hu, il se penche sur un quatuor de personnages poussés à bout, qui vont chacun s’abandonner à une brutalité sauvage et, ce faisant, procurer au spectateur une jouissance teintée d’effroi, à moins que ce soit le contraire.

Un pied dans le documentaire, l’autre dans la fiction, Jia Zhang-Ke a toujours navigué entre les deux, distillant un peu de l’un dans l’autre : c’était le cas dans The World ou Still life… Si la violence symbolique de la société chinoise a toujours été son grand sujet, celle-ci se déployait jusqu’à présent à travers le quotidien banal de citoyens ordinaires. Son style n’a pas changé, mais en lui injectant des petites doses bien concentrées de cinéma de genre – film de gangsters, film de sabre, comédie… –, il donne à A touch of sin une nervosité qu’on ne lui connaissait pas.

Comme celle de ses personnages, sa démarche s’apparente à un passage à l’acte qu’aurait provoqué une urgence nouvelle. Jetant dans sa marmite des sujets aussi sensibles et brûlants que la corruption des fonctionnaires, la prostitution, la propagation du sida, les catastrophes industrielles, le film embrasse d’un seul mouvement toute la violence, réelle et symbolique, de la Chine (et même du monde actuel dans son ensemble) et y répond par une injection de violence cinématographique…

A touch of sin est un quadriptyque. Autour des quatre personnages, quatre histoires s’enchaînent, chacune tournée dans une région différente du pays, raccordées entre elles par des fils narratifs ténus et une belle unité formelle. Mais le récit… n’est pas décousu pour autant, car Jia Zhang-Ke est un de ces rares cinéastes à qui un plan suffit pour imposer une réalité, faire exister un personnage, happer entièrement le spectateur.

Qu’il regarde un visage et celui-ci acquiert une existence propre, une profondeur, un mystère. Qu’il mette en scène un groupe d’ouvriers venus acclamer leurs riches patrons descendant de leur jet privé, ou une armée de jeunes gens formés à accueillir les « honorables hôtes » à qui ils vont devoir prodiguer des services sexuels sophistiqués, il filme des individus, jamais des masses. Cet humanisme viscéral, qui s’articule avec un humour très fin et une violence formalisée mais jamais gratuite donnent à A touch of sin une saveur effrontément enragée…

(I. Régnier, Le Monde)