Dans les propos de Franck Gaudichaud, on retrouve l’essentiel de préoccupations énoncées depuis longtemps et qui ont pris une acuité particulière durant la longue séquence électorale qui vient de s’achever.
Dans l’introduction de l’interview, il est noté une progression simultanée « de l’extrême-droite fascisante et de la gauche menée par Jean-Luc Mélenchon » ; progression analysée comme le produit « d’un miroir déformant des multiples tensions (sociales, raciales, de genre, territoriales, écologiques, culturelles, etc.) et conflits de classes existant dans les profondeurs de la société française ». Ce jeu de miroirs était apparu brutalement lors de la révolte des Gilets Jaunes avec, pour contradiction ultime, l’incapacité des syndicats et d’une grande partie de la gauche, y compris radicale, d’en saisir réellement le sens.
Au-delà, la séquence électorale a mis en évidence deux éléments importants à débattre.
Le premier est celui de la place à donner aux batailles électorales et parlementaires, qui semblent parfois prendre le pas sur les dynamiques du mouvement social. Dernièrement, c’est la NUPES et la candidature de JL Melenchon qui a concentré le plus clairement les attentes de changement, mais en laissant parfois sur le bord du chemin une multitude de gens peu ou pas convaincu.e.s. Un autre point notable de discussion est celui de l’abstention et de son ampleur au sein des classes populaires, qui semblent traduire une forme de rejet ou de retrait de la politique formelle. Se pose plus largement le problème de l’articulation entre les batailles politiques des gauches, les tactiques électorales et les luttes sociales pour affrontement conjointement le néolibéralisme autoritaire macroniste et la montée toujours plus vertigineuse des extrêmes-droites. Les conflits sont nombreux sur le terrain social, sur la question des salaires et des retraites, sur le terrain de l’écologie, sur la question du genre et féministes… mais ils restent souvent éparpillés. Cette fragmentation est, entre autres, la photographie d’un rapport de force miné par des défaites antérieures. Comment passer de ces luttes, quelques fois victorieuses (et devenant par là-même symboliques comme dans l’hôtellerie) à des mobilisations dont toute la population s’emparerait ? Quelles gauches sociales et politiques pour affronter le période qui vient, entre crise climatique, crise démocratique et précarité économique ?
Telles sont, nous semble-t-il, certaines des questions essentielles soulevées par la période et que nous mettrons à la discussion, après une brève introduction de notre invité. La démarche de l’UPT est de faire en sorte que les débats aient lieu, entre le plus grand nombre, mais aussi entre organisations ; et notamment entre tous ceux et celles qui n’ont pas toujours (ou plus) pour habitude de se parler.
Ce débat aura lieu la veille d’une journée de mobilisation et de grève interprofessionnelle. Une raison supplémentaire pour venir !
Franck Gaudichaud est Professeur des universités en histoire et études des Amériques latines contemporaines à l’Université Toulouse Jean Jaurès. Membre du collectif éditorial du site www.rebelion.org et de la revue ContreTemps (www.contretemps.eu). Co-président de l’association France Amérique Latine (www.franceameriquelatine.org).