Chère Ebru,
Je t’écris cette lettre que tu ne liras sans doute qu’après une libération pour laquelle tes amiEs et soutiens travaillent, contre vents et marées.
Un tribunal d’injustice en Turquie t’a condamnée à cinq ans d’emprisonnement pour ta jeunesse et ton désir d’un monde meilleur.
Tu es Kurde, et ce mot est synonyme de "terrorisme" dans la bouche de tes juges et de leurs donneurs d’ordres. Tu es une femme qui ose combattre, et le patriarcat de l’injustice qui te condamne ne peut l’admettre. Tu as voulu donner l’exemple qu’il était possible de résister à l’obscurantisme, et d’apporter, au risque de ta vie, une pierre à l’édifice commun au Rojava, contre Daech et les fascismes militaires, nationalistes et religieux au Moyen Orient.
Tu as, à 25 ans, tout simplement emboîté le pas d’autres avant toi, qui ont voulu faire de leur jeunesse en leur temps une force de transformation politique et sociale pour le monde. Tu as ainsi rejoint des combattantEs anti-colonialistes, anti-sexistes, anti-impérialistes, parce qu’aussi le fait d’être discriminée parce que née kurde t’était insupportable.
Voilà, ta révolte est noble, et bien davantage que des discours ou des postures. Elle t’a conduite en prison pour 5 ans, dans un pays où les geôles se remplissent aujourd’hui d’opposantEs.
Comme pour celles et ceux là, il n’y a aucune légitimité à reconnaître les preneurs d’otage...Foin des arguties juridiques ! Car tu es toi aussi devenue une otage du régime d’Erdogan. Tu dois être libérée.
Et comme pour toutes celles et ceux là, chacunE s’honorerait de faire du bruit et davantage.
Je ne dispose pour t’apporter un soutien que de mon grand âge, de mon clavier et d’une voix qui porte parfois. Je ne pense pas être le seul dans ce cas là, et j’invite largement mes semblables à se mobiliser pour que 5 années d’une vie ne soient pas volées par un pouvoir fascisant, à minima.
D’aucunEs ont lu il y a peu les textes d’une auteure qui écrivait pour résumer que "la prison était la même au dehors et au dedans, tant que toutes et tous n’étaient pas libres".
Alors tiens bon, on forge des clés.
Daniel Fleury (auteur au magazine web Kedistan)