Liberté pour Ebru Firat ! Nous ne t’oublions pas !
Un billet pour Ebru Firat par Nicolas de La Casinière, journaliste et illustrateur.
Article mis en ligne le 13 janvier 2017

par Marsanay

Le collectif libertepourebrufirat ainsi que l’Université Populaire de Toulouse, vont poursuivre et surtout amplifier le soutien à EBRU FIRAT. Piégée dans la Turquie d’Erdogan , en novembre 2016 elle a été condamnée à cinq ans de prison. La situation en Turquie, l’évolution du régime, nous inquiète au plus haut point.
Le grand danger qui guette Ebru est l’oubli. Pour vaincre cet oubli il nous revient d’imposer la présence de EBRU dans le quotidien, dans le quotidien de chacun et chacune.
Nous proposons dans un premier temps que des personnalités du monde syndical, associatif, politique, universitaire de la culture…rédigent des billets quotidiens de soutien, demandant la libération de EBRU ; que ces billets soient publiés dans les réseaux sociaux, dans les journaux syndicaux, dans les bulletins politiques, dans les revues de spectacles.....
En faisant vivre la lutte de EBRU sa résistance dans les geôles turques nous pourrons briser le mur de silence, et l’oubli qui s’instille doucement dans nos préoccupations de tous les jours.
"Nicolas de La Casinière est journaliste et illustrateur. Il anime le périodique satirique La Lettre à Lulu ,il est aussi enquêteur des faits de société et de la politique. Il a notamment publié Les Prédateurs du Béton, enquête sur la multinationale Vinci (Libertalia 2013) et Services publics à crédit (Libertalia 2015)."

Bonjour Ebru,{{}}
Si ce message, vous le recevrez au fond d’une cellule, c’est déjà qu’il aura percé des murs, sauté des frontières, contourné des verrous, traversé des contrôles tatillons. Il aura fait un bout de route. Savoir qu’il sera lu, c’est un peu faire un bout de route à vos côtés. Bien sûr, c’est un peu paradoxal de parler de route dans un espace clos, qui est supposé confisquer l’horizon. Savoir que ces mots vous parviendront, c’est penser qu’ils auront sans doute sauté au-dessus de champs de neige et percé des orages, se faufilant entre des bancs effilochés de brume, trottant au bord de prairies où le soleil cogne. Le trajet a survolé des banlieues grises, franchi des routes encombrées et des bras de mer, des ponts la nuit, des chemins de montagne au matin. Il a couru le temps et l’espace, accroché une chanson au passage, à une fenêtre ouverte, une odeur de cuisine, des cris d’enfants dans une cour d’école, les slogans d’une protestation publique. Preuve que ce qui se passe dans une prison regarde des gens, ailleurs, loin sur la carte mais proches par la solidarité. Après tout, l’isolement d’une prison n’est qu’une idée dans la tête de ceux qui les remplissent et ceux qui les gardent. Les humeurs des jours et les nuits sont comme ça, plus insaisissables que des lourdes portes.
Un jour, on reconnaîtra toute la portée de ce que font des femmes comme vous. En France, dans les années quarante du siècle dernier, on nommait terroristes des gens qu’on a nommé résistants quelques années après. Les brigades internationales ont pareillement porté leurs forces au service de la Révolution espagnole en 1936. Mais l’Histoire a de la mémoire. Sans attendre le recul des historiens, beaucoup ont déjà compris le rôle clef, essentiel, joué par les Kurdes dans la lutte contre Daesh.
Vu de loin, l’engagement des femmes dans la lutte des kurdes pour leur émancipation peut nous paraître à la fois enthousiasmant et étonnant. il suscite notre surprise et notre intérêt parce qu’il contredit la place souvent dévolu aux femmes au Moyen Orient et ailleurs. Il semble ici contrer la tradition patriarcale, et cette place conquise par les femmes est donc plutôt encourageante.
Pour plein de raisons, on pense donc à vous. Ce n’est pas grand chose, mais on vous souhaite de tenir, de tenir bon. Et à l’occasion donnez aussi un grand bonjour à celles avec qui vous partagez la détention. Les odeurs de cuisine, les poèmes ou l’idée que l’on en a, les slogans et les chansons d’enfants accrochés sur la route de ce message sont aussi pour elles.
A très bientôt.
Nicolas de La Casinière, journaliste