LGV, c’est toujours non
Article mis en ligne le 14 janvier 2016
dernière modification le 15 janvier 2016

par Marsanay

Aménagements nord Toulouse, non à la DUP 2

Les médias, se font l’écho plus ou moins régulièrement de l’état d’avancée du dossier LGV, souvent ces article se terminent par un point d’interrogation http://www.ladepeche.fr/article/2015/04/01/2078658-la-lgv-a-t-elle-encore-un-avenir.html
Les élus quant à eux ne tremblent pas, ni devant le coût estimé en 2015, 9 milliards ! Pour essayer d’y voir clair nous avons demandé à Jean Paul DAMAGGIO, animateur du collectif Alternative à la LGV de faire le point sur le dossier

L’aménagement ferroviaire nord Toulouse

Petit à petit la question de la LGV Bordeaux-Toulouse est devenue une question médiatique, voire une question contre-versée.
Mais au moment de l’enquête d’utilité publique (EUP) elle a été divisée en trois avec une enquête spéciale pour nord Toulouse (AFNT).
Ce secteur a en effet un aspect LGV global et un aspect spécifique, mais avec l’aspect spécifique (le train du quotidien à Toulouse) à la remorque de l’aspect global (la LGV).

Ce projet semble si peu passionner les citoyens toulousains que le bilan quantitatif de la participation du public à l’EUP est ridicule : "Il fait état de : - 420 participants au cours des 7 réunions publiques qui ont totalisé 108 interventions ; - 63 observations déposées sur les 7 registres mis à la disposition du public ; - 42 emails comptabilisés ; - aucun courrier postal ; - 1396 visites sur le site internet dédié pendant la période d’ouverture de la concertation."
Or il faut noter que la moitié des emails concernait en fait la LGV.
420 participant en 7 réunions c’est 60 présents en moyenne.
Or il y a eu prolongation de l’EUP d’un mois !
Ce point a cependant suscité beaucoup de réactions à Lespinasse (pétition de 1420 signatures) où il y a eu une demande de création d’une halte ferroviaire.

Oui à des aménagements
Défenseur du ferroviaire je suis d’accord pour reconnaître que le développement de Toulouse nécessite un aménagement urgent, une sorte de RER pour les communes limitrophes. Cependant il faudrait là une étude sur toutes les lignes : Muret-Toulouse, Albi-Toulouse, Narbonne-Toulouse en plus de Montauban-Toulouse. C’est plus le projet de LGV qui fait porter le regard sur Montauban-Toulouse que les besoins réels quand on sait les difficultés sur Muret-Toulouse.
Il y a eu cependant des travaux, en particulier sur Auch-Toulouse et Albi-Toulouse, mais à mes yeux la consommation de finances publiques causée par le "tout LGV" fait que le train du quotidien devient, après le fret, le parent pauvre du rail.
Les commissaires enquêteurs ont démontré avec minutie que le projet AFNT n’a pas été conçu pour un projet global urbanistique mais seulement du point de vue ferroviaire.

Mais quels aménagements ?
Les commissaires ont rendu un avis défavorable et à lire le rapport on peut dire même TRES défavorable. Or le préfet de Haute-Garonne vient de signer la déclaration d’utilité publique (DUP) pour ce tronçon (pour la LGV la date limite est le 8 juin 2016).
La question cruciale reste toujours celle du coût, le projet étant pour les commissaires surévalué.
Autrefois avant une enquête d’utilité publique (EUP), les autorités établissaient le plan de financement. Puis elles ont décidé que l’lEUP pouvait se faire sans ce plan en le renvoyant à la période entre l’EUP et la déclaration d’utilité publique (DUP). Avec la DUP pour l’aménagement ferroviaire nord Toulouse nous lisons :
"Le coût prévisionnel des aménagements ferroviaires nord Toulouse s’élève, selon les valeurs en cours en août 2013, à 566 millions d’euros HT."
En janvier 2016 il était sans doute difficile d’actualiser ce coût mais là n’est pas le plus grave !
L’arrêté mentionne correctement les éléments ayant conduit les commissaires de l’EUP à donner un avis défavorable et en particulier celui-ci :
"Le coût total des investissements nécessaires à sa réalisation, lequel pourrait s’élever à au moins 800 millions d’euros, n’est pas connu, pas plus que les modalités et la répartition de son financement."
Une critique sans réponse (pas plus qu’il n’y en a de sérieuses aux autres critiques). Et pourtant la DUP est signée.

Quelle alternative ?
Je rappelle que les aménagements programment deux voies ferrées nouvelles entre Saint-Jory et Matabiau.
Les commissaires enquêteurs sur Nord-Toulouse ont été confrontés au même problème que ceux de la LGV : pas d’analyse sérieuse d’alternatives possibles.
L’arrêté reprend la question et y apporte des réponses.
Pour les commissaires :
« La demande de transport entre Castelnau d’Estretefonds et Toulouse peut être satisfaite, au moins en partie, par des solutions moins onéreuses tel que l’aménagement de voies d’évitement entre Castelnau d’Estretefonds et Saint-Jory et d’infrastructures dédiées aux bus entre Lespinasse et Toulouse
L’abandon du train cadencé n’obère pas l’arrivée des TaGV à Toulouse et le développement des TER. »
Parce que nous pensons juste de privilégier le rail et qui plus est le rail sans TaGV nous ne sommes pas totalement d’accord avec l’objection des commissaires d’autant que l’arrêté n’évoque pas le tramway possible.
L’arrêté répond :
« il n’est pas établi que l’aménagement des voies de desserte ferroviaire à Castelnau d’Estretefonds et à Saint-Jory associé à la réalisation de Lespinasse à Toulouse d’une infrastructure dédiée aux transports en commun en mode routier aurait été moins onéreux. »
Ce n’est pas une réponse pour plusieurs raisons :
Cette alternative n’a pas été étudiée et l’arrêté le reconnaît clairement.
Cette alternative est à mettre en lien avec le temps de parcours : par les nombreux arrêts dans la banlieue toulousaine, le temps de parcours du TER risque de devenir dissuasif pour les voyageurs venant de Montauban par exemple. Non que subitement je me reconvertisse à la grande vitesse mais les commissaires ont bien étudié cet aspect et s’il y avait donc un tramway le TER y gagnerait. Rappelons que les politiques du tramway ont mis longtemps à se développer, en particulier à Toulouse, or ce moyen de transport collectif est apparu comme très agréable et complémentaire des autres transports collectifs. Entre le lobby du rail et le lobby de la route, le tramway a été longtemps pris en tenaille.
En fait, et l’histoire l’a démontré, la SNCF considère l’avion ou le tramway comme des concurrents, et interdit toute réflexion globale. L’arrêté le confirme : « La programmation des infrastructures que la commission d’enquête estime nécessaires à la pleine réussite du projet, dès sa mise en service, ne relève pas de la compétence de SNCF Réseau. »

Bref, à chacun sa compétence et l’arrêté de la DUP masque les intérêts qui s’affrontent sous la table. Il est à craindre que les transports collectifs sur Toulouse ne soient la victime de lobbys inconséquents. Mais le débat va être relancé par les nouveaux responsables de la Région puisqu’au premier semestre 2016, d’importants Etats Généraux du Rail sont programmés.

Jean-Paul Damaggio