Cinéma-débat : "Le Laboratoire"
Article mis en ligne le 28 janvier 2015

par Universite Populaire Toulouse

Mardi 24 février, projection unique à UTOPIA Tournefeuille à 20H en présence de la réalisatrice Nadine Mahé et en partenariat avec L’Institut d’Histoire Sociale CGT de Haute-Garonne.

Le Laboratoire

Un film de Nadine Mahé
2013 - France - 71 minutes - HD

En 1967, des études sont menées à l’Aérospatiale, alors dirigée par Maurice Papon, pour adapter les techniques de la guerre psychologique au monde du travail. À partir de l’histoire singulière d’ouvriers de cette entreprise, ce film raconte la mise en place du système de management dont nous avons hérité et de ses répercussions tragiques.

En décembre 1979, sept militants CGT de l’usine Aérospatiale de Saint-Nazaire sont licenciés pour faits de violence sur des cadres non-grévistes. Innocentés par la justice pénale, sans être réintégrés pour autant, ils gagnent leur procès aux prud’hommes en… 2009. Trente-quatre ans après les faits, la fille de l’un des sept de l’Aérospatiale, a pris la caméra pour raconter comment l’aéronautique française a été un lieu d’expérimentation de techniques de répression antisyndicales, et en particulier anti-CGT. Le Laboratoire nous entraîne à Marignane, au milieu des années 1970, où de nouvelles méthodes de management, aussi perverses que brutales, furent inaugurées, puis à Saint-Nazaire, où elles eurent les conséquences que l’on connaît.

« Après des études d’Arts Plastiques et de Cinéma à l’université de Rennes puis de la Sorbonne, j’ai commencé à travailler dans le cinéma en 2001. Il y a quatre ans, j’ai abandonné mon métier, le montage, car je voulais filmer. Je ne voulais plus travailler avec les images des autres mais réaliser mes propres images pour raconter mes histoires. J’ai commencé par un court métrage avec de jeunes hommes afghans qui vivent ou plutôt survivent à Paris. Et puis j’ai tout naturellement poursuivi par ce film, Le Laboratoire, qui est mon premier long métrage. Ce documentaire est un peu particulier, dans ce sens où j’y parle également de mon père et de mon oncle. Mais il ne s’agit pas pour autant d’un film sur une histoire familiale. Ce qui m’intéressait avant tout ici, c’était de travailler avec des militants.

Le désir de faire ce film est né de deux évènements distincts : la vague de suicides dans les entreprises françaises ces dernières années et l’annonce de la mort de Maurice Papon, PDG de Sud Aviation (Airbus) en 1967. J’ai alors commencé à questionner les méthodes de management et très vite cela m’a amené vers le harcèlement et les répressions syndicales. Le harcèlement psychologique a de tout temps existé, la grande nouveauté ici, a été de la développer comme une méthode de travail grâce à des techniques précises d’isolement, de discrimination, de dévalorisation, de menaces sur l’emploi et la vie privée etc.

Dès son arrivée comme PDG, Maurice Papon nomme Fernand Carayon directeur de l’usine de Marignane. C’est ce dernier qui modifiera en profondeur l’organisation de l’usine puis de toute l’entreprise en formant les directeurs et les cadres du groupe. En deux ans 80% de la hiérarchie à l’usine de Marignane est remplacée et les agents de maîtrise doivent apprendre à surveiller et à collecter les faits et gestes des ouvriers. Parallèlement, les salariés trop engagés dans la vie de l’entreprise sont mis au placard et un syndicat alors minoritaire, Force Ouvrière, soutenu par la direction, devient l’instrument indispensable à ce nouveau management. Il s’agissait ainsi de briser la relation en cours à l’usine : salariés - syndicats - direction, pour que ne subsiste plus que le lien direct : direction - salarié. Des voix vont s’élever contre ce système mais elles seront très vite réprimées et les conséquences seront tragiques.

J’ai décidé d’orienter le film sur deux des usines du groupe. Il s’agit de Marignane d’où sont parties ces nouvelles méthodes et de Saint-Nazaire que le directeur, Jean Renon, a conduit dans un conflit très dur qui dura plus de deux ans.

Le cinéma m’a permis d’interroger ce passé en le confrontant au présent et depuis, la caméra est devenue pour moi un instrument de rencontre, de discussion et d’engagement que je promène actuellement entre la Tunisie et Paris, à la réalisation de nouveaux projets ».

Nadine Mahé

L’Institut d’Histoire Sociale CGT de Haute-Garonne est une association adossée à la CGT mais indépendante, dédiée à l’histoire sociale, syndicale surtout, de notre département.
Un proverbe africain dit : « Tant que les lions n’auront pas leurs propres conteurs, les histoires de chasse glorifieront toujours les chasseurs ». La lecture officielle de l’histoire fait la part belle aux "grands hommes" et laisse peu de place aux luttes sociales. Pourtant, la connaissance des luttes passées permet de mieux comprendre les enjeux présents et de déjouer les manœuvres idéologiques insidieuses de ceux qui tirent profit de notre force de travail.
L’institut publie un bulletin trimestriel, Eclairages, qui donne un aperçu de son activité et contient des articles liant l’actualité et des événements marquants de l’histoire sociale.
Il organise aussi des initiatives comme, le 11 décembre 2014, la commémoration du 70ème anniversaire de la création en 1944 de l’hôpital "Varsovie" Joseph Ducuing. En 2013, à l’occasion de la tenue à Toulouse du 50ème congrès confédéral, une exposition et une brochure ont été réalisées sur le thème de la réunification de la CGT lors de son congrès de mars 1936 qui s’était déroulé à Toulouse.
Enfin, l’institut a pour mission de collecter, conserver et classer les archives de la CGT du département, et de les mettre à la disposition de ceux et celles, chercheurs et universitaires notamment, qui portent un intérêt grandissant à ce fonds très fourni.