Les dégâts sans fin de la défaite de la bataille des retraites !
Le débat que vient de lancer François Ruffin pourrait avoir du sens si ce n’était pas qu’une polémique pour exister. En premier lieu, ce qui est frappant dans les propos de Ruffin, c’est la méconnaissance des pratiques dans le mouvement ouvrier. Depuis toujours, syndicats et partis, adaptent leurs tracts écrits, leurs prises de paroles…en fonction des salarié•e s qu’ils souhaitent convaincre et organiser. Le parti, le syndicat dans les différents étages de son organisation, mettent en commun les points de vue catégoriels, les approches différentes pour en tirer un ou des dénominateurs communs et dépasser l’étape du premier contact. Cela n’a rien à voir avec, par exemple, le faciès mais renvoie à la simple connaissance des milieux dans lesquels on milite. Pour des travailleurs, luttant pour leurs salaires et les conditions de travail, il n’est pas évident ou naturel de s’informer, de se mobiliser pour d’autres travailleurs, dans l’usine d’à côté voire sur un autre continent. Ce va et vient permanent entre les préoccupations immédiates, du bureau, de l’usine et les questions globales de tout le monde quelque soit la branche professionnelle ou la région, le pays que l’on habite est le point de départ de toute l’action politique et syndicale. C’est l’additionnellement des luttes corporatistes, catégorielles qui amènent les luttes d’ensemble. Elles dépassent la corporation pour déboucher sur l’interprofessionnelle. A cette étape là, le mouvement en cours fait la jonction naturellement entre la lutte en cours, contre la réforme des retraites et le débouché politique nécessaire pour aller au bout de la lutte sociale. Cela fait déjà longtemps que nous constatons que les quartiers populaires sont absents de la plupart des mobilisations, que nous perdons les élections parce que les abstentionnistes sont un grand « parti ». Le travail fait depuis plusieurs années en direction des quartiers populaires et des salariée s abstentionnistes porte ses fruits et il faut l’amplifier. D’autant plus que cet abandon du collectif (plus de grèves, plus de manifs, plus de vote)est de l’entière responsabilité de la gauche, des partis et des syndicats (1). En second lieu, opposer les salariés des quartiers populaires avec ceux des petites villes et des zones rurales ne peut être réduit à de la stratégie électorale. Le problème est plus profond et interroge autant les syndicats que le monde associatif et les partis. Nous pensons que l’échec du 7 mars 2023 (appel des 8 syndicats à bloquer le pays pour s’opposer à la réforme des retraites) est la démonstration la plus limpide de ce qui ne va pas. Dans notre introduction (2) à la longue interview de Sophie BINET, secrétaire confédérale de la CGT, à la revue Ballast et traitant de cette mobilisation, nous écrivions : « Ceux et celles qui fabriquent de l’acier, des voitures, des avions, des bateaux, qui bâtissent des maisons, qui acheminent les différentes productions du lieu de fabrication au lieu de consommation…n’étaient pas en grève. Donc le pays ne pouvait pas être bloqué ». En fait, la question essentielle est pourquoi celles et ceux qui, sans aucun doute, étaient opposé•es à la réforme des retraites, n’ont pas voulu d’un affrontement avec Macron. Si la grève et sa généralisation n’est pas l’outil priorisé par ces salariés, il ne reste donc que les élections. On peut mettre en cause la tactique syndicale, mais les salariés pouvaient, dans les premiers mois de 2023, passer outre…Ils/elles l’ont déjà fait dans l’histoire. On peut, en même temps, être opposé à la réforme des retraites et voter RN aux élections. Peut-on voter RN et faire grève, manifester avec la CGT et SUD ? Il faut lire l’article de Stefano Palombarini : « Extrême droite : la résistible ascension » dans lequel il montre que des catégories de salariés, comme la« classe moyenne intérieure » (salaires de 1300 à 1900 euros)qui représente 31% du vote FN, pouvaient très bien s’accommoder du RN. Face à la raideur du gouvernement et après l’échec du 7 mars, la solution était essentiellement politique. Le comportement du RN à l’assemblée était de s’opposer à la réforme, sans bruit, et d’attendre les élections. S’il faut être prudent dans les analyses, force est de constater que dans le monde ouvrier, celles et ceux qui votent RN ont adopté la posture des députés, ne pas faire de bruit. La grande faute de l’intersyndicale a été de refuser la convergence entre l’intersyndicale, la NUPES et toutes les associations en lutte contre les différentes facettes de la politique de Macron. Ce refus, sous divers prétextes, n’a fait que conforter l’idée de la force du RN et que la solution était dans les urnes, pas dans la rue. Sans aucun doute ce que dit Sophie Binet, « L’unité syndicale précède l’unité politique », était recevable mais nous avions rajouté « quand le mouvement social gagne ». Si cette lutte s’était avérée victorieuse, il aurait pu y avoir une liste unitaire pour les européennes (et pas celle de Glucksmann) et, sans aucun doute, un autre score pour le RN. On sait ce que la défaite à produit.(3) Aujourd’hui, le problème posé est de même nature.Les batailles qui vont se mener autour du gouvernement Barnier, n’auront de sens et de poids que si elles sont prolongées sur le terrain social. En ce sens, le 1er octobre est un test. Pour le moment, il reproduit les clivages connus au moment des retraites entre la CGT et la CFDT. La CGT, FSU, Solidaires, sans surprise, posent les jalons pour un front syndical et politique. Pour s’opposer au RN, il faut construire un rapport de force dans la rue et consolider le poids du NFP comme seule alternative (3) pour les classes populaires.
A lire « Réapprendre à faire grève » et " "Savoir commencer une grève" voir plus bas
1-https://manuelbompard.fr/2024/09/...
2-https://universitepopulairetoulou...- Sophie Binet : « L’unité syndicale précède l’unité politique »quand le mouvement social gagne !
2-https://universitepopulairetoulou... Sophie Binet : « Macron est complètement décrédibilisé »
3--https://universitepopulairetoulo... De quoi Raphaël Glucksmann est-il le nom ?