Nous en sommes là.
Article mis en ligne le 7 novembre 2020
dernière modification le 12 avril 2021

par Universite Populaire Toulouse

En octobre, nous avions dû annuler la conférence avec Laurent Mauduit autour de son ouvrage « Histoire des privatisations des biens publics ». En novembre, nous avons dû aussi nous résoudre à annuler la conférence avec Daniel Tanuro autour de son dernier livre « Trop tard pour être pessimistes - Ecosocialisme ou effondrement » ». Dès septembre pour la conférence sur l’ouvrage de Sébastien Porte « Le dernier avion », nous avions noté une faible participation corroborée par de nombreux messages nous faisant part de craintes quant au développement de la pandémie. Nous aurions pu faire les conférences d’octobre et novembre via des applications type zoom ou autres. Mais ces méthodes conviennent mieux à des réunions groupe de travail qu’a des conférences/débat telles que nous les organisons en général. Par ailleurs nous sommes partie prenante de l’organisation des ateliers organisés par le collectif « Pensons l’aéronautique pour demain ».

Nous sommes donc dans la saison 2 de la pandémie ; ce qui signifie que le déconfinement du mois de juin a été, pour le moins, mal maitrisé par le gouvernement. « Consommez » disait l’un, « Partez en vacances » disait l’autre ! La nomination du « chef » du déconfinement au poste de premier ministre n’est pas là pour nous rassurer. Ce confinement « métro - boulot - dodo » (pour reprendre une vieille expression des années 70), c’est du sur mesure pour le Medef, c’est l’économie contre la santé. Le confinement d’une partie de la population puis de toute la population après la sortie de l’école et du travail a pour fonction première de ne pas saturer l’hôpital, de faire que le plus grand nombre reste en bonne santé pendant que le gouvernement continue de démanteler le secteur de la santé. Mais cela suffira-t-il ?

Le monde d’après n’est pas là. Il n’y a pas la moindre trace d’alternative à la gestion ultra libérale de la crise sanitaire et sociale. Là où il faudrait opposer aux licenciements les savoir-faire, les compétences pour diversifier la production et s’emparer des usines pour produire des biens sociaux utiles, nous ne savons opposer que des formes de luttes telles que la pétition, la grève, la manifestation… qui donnent l’impression de résistances. Mais en réalité nous régressons, nous stagnons, nous perdons les combats les uns après les autres.
Restructurations et concentrations des outils de production (le secteur aérien en étant un parfait exemple), remise en cause des protections sociales collectives, contrôle social et policier permanent, précarisation généralisée sont les outils dont le capitalisme se sert pour se « purger » en éliminant les plus faibles de ses maillons, pour reconstituer le plus rapidement possible son taux de profit.

Le COVID-19 est une pandémie dont on finira vraisemblablement par venir à bout, comme pour les précédentes. Mais de nouvelles pandémies surgiront car c’est l’homme qui les provoque en détruisant la biodiversité.
En épuisant les ressources naturelles comme les métaux rares pour fabriquer de plus en plus d’objets connectés, en provoquant guerres et massacres à bas bruit comme en Afrique pour l’exploitation des terres rares, en ne prenant pas en compte le changement climatique provoqué par le déstockage massif des énergies fossiles pour fabriquer sans fin et sans utilité sociale des marchandises destinées à générer toujours plus dividendes, les multinationales, aidées par des gouvernements qui ne sont que des marionnettes entre les mains des néolibéraux, perpétuent un monde où la marchandise est reine, où les hommes et les femmes ne sont que des variables d’ajustement du taux de profit.
http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article2102.

Nous ne sommes qu’au début des conséquences visibles du changement climatique et nous voyons déjà le cortège sans fin des destructions, des morts provoqués par les inondations et les sécheresses, les ouragans et tempêtes, les incendies et feux de forêt gigantesques. Sans parler des migrations subies pour fuir des territoires devenus inhospitaliers et qui vont se multiplier dans les années qui viennent. Et pourtant, plus grand monde ne nie le changement climatique… Mais face à cela, rien de sérieux n’est entrepris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ni pour faire face aux pandémies et aux cataclysmes qui vont se développer. Ils savent mais ils ne font rien car ils pensent que la science et le progrès finiront par réparer ce qui a été cassé. Ne s’apprête-t-on pas à ouvrir une scierie gigantesque dans les Pyrénées. Pourtant, un « aspirateur de CO2 » ne compensera jamais le potentiel de stockage du CO2 des arbres que l’on a abattu. Dernièrement, La Dépêche du Midi et le site « Actu Toulouse » ont évoqué les possibilités de manque d’eau potable à Toulouse dans les années à venir. Le président de l’agglomération et maire de Toulouse renonce-t-il pour autant à faire de la ville la 3ième métropole de France ? https://www.ladepeche.fr/article/2018/10/14/2887938-va-t-on-bientot-manquer-d-eau-potable.html

Face à ces problèmes (licenciements massifs, métropoles « barbares », démantèlement de l’hôpital et des services publics …), la question est simple : les forces progressistes politiques et sociales peuvent telles retrouver le chemin de la lutte et donc redevenir puissantes pour construire le monde d’après ? La réponse n’est pas simple. Les forces politiques que l’on pourrait considérer comme partie prenante de ce camp progressiste sont avant tout polarisées par les échéances électorales et le peu de pouvoir qui en découle.
Syndicats et associations sont toujours capables d’ouvrir des fronts de lutte dans tous les domaines, les syndicats sont toujours capables de déclencher des luttes… Mais ces derniers ne savent plus comment généraliser la grève, de la même façon que personne ne sait faire converger les multiples luttes qui se déroulent sur le terrain sociétal. Il est tout aussi difficile de créer des ZAD partout que de mettre en grève toutes les professions en même temps…

Dans cette situation, que nous faudrait-il faire ? Construire sans aucun doute des mobilisations ancrées sur la protection des salariées face à la pandémie ; dans l’éducation et à l’hôpital tout particulièrement. Et il faut dans un même temps dénoncer l’utilisation du confinement et du couvre feu comme un outil du gouvernement pour continuer le démantèlement des droits sociaux et s’attaquer aux libertés.

Les actions meurtrières de quelques fanatiques religieux servent de prétexte pour la mise en place d’une police de la pensée en inventant de toutes pièces des concepts fumeux comme le soi-disant « islamo-gauchisme ». Blanquer, Darmanin et les autres, appuyés par la fine fleur des réactionnaires de tout poil (Bruckner, Zemmour, Valls…), complaisamment relayés par la grande majorité des médias, se lâchent. Ce ne sont pas ceux qui arment idéologiquement les fanatiques comme les monarchies du Golfe qui achètent nos armes que cet aréopage dénonce. Ce sont des universitaires, des chercheur·es en sciences sociales, des syndicalistes, des militant·es de toujours de l’antiracisme, des défenseur·es des libertés publiques qui sont pointé·es du doigt, diffamé·es, accusé·es de tous les maux (https://www.acrimed.org/Islamo-gauchistes-une-chasse-aux-sorcieres).

Dans un même mouvement et face aux résistances et aux mobilisations, la loi « sécurité globale » en discussion au parlement vise à rendre illégal la diffusion d’images avec l’interdiction « (…) de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police sera puni d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende ».
Pour les syndicats de policiers et le gouvernement, il était devenu insupportable, comme l’exprime David Dufresne, que « le quidam filme et diffuse sans demander l’autorisation ».
Cette loi qui survient en plein confinement est un outil pour le bloc bourgeois qui la met en scène (c’est bien le parti de Macron qui l’a déposée) et elle a une fonction très précise : donner tous les moyens à la police pour mater les révoltes qui pourraient survenir dans les mois qui viennent. Désormais tout ce qui se passera dans les opérations de maintien de l’ordre se fera sans aucune possibilité de contester les pratiques des policiers. Les policiers ces dernières années ont beaucoup matraqué, gazé, mutilé… Ils ont un peu tué des manifestant·e·s en leur prenant un œil, une main, un pied… Dans un texte de 1939, Simone Weil écrivait : « La force qui tue est une forme, sommaire, grossière de la force. Combien plus variée en ses procédés, combien plus surprenante en ses effets est l’autre force, celle qui ne tue pas ; c’est-à-dire qu’elle ne tue pas encore » (citée par F. Cusset - Revue « Regard » - été2018).
Nous en sommes là !