Cinéma - débat : " NO "
Article mis en ligne le 17 février 2013

par Universite Populaire Toulouse

Avant Première mardi 5 mars à 20h à UTOPIA Toulouse, suivie d’un débat animé par le président de l’association France Amérique Latine, qui vient d’éditer un livre de photos sur l’Argentine, Occuper, Produire, Restituer. Soirée organisée avec l’Université Populaire de Toulouse (achetez vos places à partir du 27 février).

NO

Pablo LARRAIN - Chili 2012 1h58mn VOSTF - avec Gael Garcia Bernal, Alfredo Castro, Antonia Zegers, Luis Gnecco, Marcial Tagle, Nestor Cantillana... Scénario de Pedro Peirano d’après le roman d’Antonio Skarmeta.

Du 05/03/13 au 26/03/13 à Toulouse - Du 06/03/13 au 26/03/13 à Tournefeuille

Les rebondissements de la Grande Histoire tiennent parfois à peu de chose… C’est ce que nous raconte ce formidable film chilien qui relate un aspect peu connu du renversement en 1988, à l’issue d’un plébiscite, du régime d’Augusto Pinochet.

Flash back : 1988. Le Chili vit depuis 1973 sous le joug du dictateur Pinochet. Son régime impitoyable, indéfectiblement soutenu par les Etats Unis, peut se vanter d’un bilan terrifiant : 3200 morts ou disparus, plus de 38000 torturés, des dizaines de milliers d’arrestations de dissidents. Cette période noire s’est accompagnée d’une libéralisation de l’économie à marche forcée, vantée par les économistes américains comme Milton Friedman, qui osa évoquer le « miracle chilien » dont on sait qu’il ne fut miraculeux que pour une minorité de possédants. Mais sous la pression internationale, activée par les ONG de défense des droits de l’homme dénonçant son gouvernement sans partage, Pinochet a fini par accepter en 1980 une nouvelle constitution prévoyant une période transitoire qui doit s’achever au bout de huit ans par un référendum plébiscitaire. Si le SI l’emporte, le conseil de sécurité nationale peut présenter de nouveau Pinochet à la présidence, si le NO est vainqueur, des élections libres et démocratiques devront être organisées. Pinochet, qui sait manier la démagogie, le clientélisme, et exhiber son succès économique face à un peuple a priori apathique et résigné, est confiant dans le résultat : les sondages le donnent largement vainqueur… Mais c’est compter sans le pouvoir tout nouveau mais grandissant de la communication politique et télévisuelle.

No raconte comment un jeune publicitaire, pas franchement un grand résistant à la dictature mais plutôt un jeune loup branché et vite enrichi qui se balade en skate dans les rues de Santiago, va bouleverser la campagne du référendum. Directeur artistique dans une grande agence qui conçoit des spots publicitaires pour produits de luxe à grand renfort de mannequins glamour arborant chevelures gaufrées et robes brillantes à épaulettes (on est dans les années 80), il accepte – en secret de son associé qui œuvre pour le oui – de prendre en charge la campagne du non. Son trait de génie est de ne pas insister, malgré les terribles épreuves qu’ont subi les démocrates chiliens, sur les méfaits commis par la dictature Pinochet mais de proposer plutôt un message d’espoir, que certains trouveront un peu angélique voire niais, mais qui a le grand mérite d’ouvrir des perspectives positives à un peuple qui vit depuis des années dans la peur et le marasme. Ce message volontariste et positif sera symbolisé par le NO triomphant, auréolé d’un arc-en-ciel, qui va fleurir sur les affiches et les écrans de télé. Le camp du SI commet l’erreur d’insister principalement sur la peur que peut engendrer le retour à l’idéologie d’Allende dont le camp du NO a l’habileté de se démarquer.

L’analyse de Pablo Larrain, cinéaste brillant qui pose à chaque film un regard aiguisé et parfois cruel sur ses compatriotes pendant la dictature (Tony Manero et Santiago 73, post mortem, deux films ardemment défendus chez nous) est éclairante sur les ressorts d’une campagne politique décisive, sur les motivations plus ou moins profondes qui amenèrent les électeurs chiliens à décider de la fin de Pinochet : moins sans doute la volonté de sanctionner les abominables crimes commis que l’espoir d’échapper à l’impasse économique et sociale dans laquelle le régime du dictateur les avait enfermés. Larrain utilise parfaitement, dans un duel fratricide haletant, les personnalités de Gael Garcia Bernal, parfait en séduisant publicitaire d’avenir qui construit la campagne du NO, et son acteur fétiche Alfredo Castro, dont le visage marmoréen convient parfaitement à un complice zélé de la dictature. Thriller politique palpitant, No est porté par une mise en scène remarquablement inventive, qui mêle les images d’archives saisissantes et la fiction, utilisant des caméras des années 80, leur cadre carré et leur image granuleuse, pour plus de réalisme, nous plongeant en totale immersion dans ces quelques mois qui changèrent l’Histoire.

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